Rassemblement et premiers barrages
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manifestants à Alger en 1960

Ce dimanche matin est radieux. Dès l'aube sur la grande avenue du 8 Novembre des groupes d'anciens combattants, rangées de médailles accrochées au veston, drapeaux roulés dans leurs étuis de toile cirée, se réunissent à la porte de leur local. A 9 heures, les quartiers populaires sont en effervescence. Les tracts répandus par milliers appellent à la manifestation confirmée par des voitures à haut-parleurs et par le défilé des U.T. qui cognent de la crosse contre les portes des appartements de Bab-el-Oued.
« Allez, debout là-dedans, le grand jour est arrivé. »
Tout se déroule dans la bonne humeur. On va refaire le 13 Mai. Et montrer à Paris de quel bois on se chauffe. Les gardiens de la paix regardent ces préparatifs avec satisfaction. Ce n'est pas la police d'Alger qui va mettre des bâtons dans les roues à une manifestation patriotique.

Aux premières heures de la matinée, les U.T. de choc en armes, les « légionnaires » d'Ortiz armés eux aussi, se retrouvent aux quatre coins d'Alger aux points fixés pour le départ des cortèges. Ils doivent partir vers 10 heures pour parvenir à midi sur le plateau des Glières et se fondre en une seule masse. A 6 h 30, le lieutenant Bernard Mamy, qui a troqué sa tenue d'U.T. de choc contre une tenue léopard, neutralise avec quatre hommes les douze zouaves qui gardent le P.C. et protègent le dépôt d'armes. Mamy colle son colt de cow-boy sur le ventre du chef de patrouille et le tour est joué. Les U.T. de choc gardent les zouaves et les larguent à midi lorsque le déjeuner est prêt. Il ne faut pas perdre de vue l'essentiel !
Mamy a désormais sous la main le dépôt d'armes de la rue de l'Abbé-de-l'Epée. A cinquante mètres des facultés ! Il regagne le P.C. Ortiz où le grand Jo, costume marron, cravate claire, chemise crème et souliers de daim s'apprête à jouer le rôle de sa vie.

Tout va mal pour le colonel Fonde qui apprend les mêmes nouvelles. La grève générale est observée. Magasins, bistrots, cinémas sont fermés. Des rassemblements se forment à l'intérieur de la ville.
Le capitaine Léger a refusé de participer au maintien de l'ordre avec ses Algériens. Ce qui était la moindre des prudences. Mais avec sa jeep il parcourt Alger. Il voit ses copains en barrage en travers de la place Jean-Mermoz, au pied de la caserne Pélissier. Soixante mètres de large mais, derrière, le vide complet. Et devant, cette masse compacte au coude à coude précédée de drapeaux. Et il rigole, Léger ! Ça va pas tenir longtemps ! Et, en effet, ça ne tient pas. Les paras à casquette à longue visière, les héros de la bataille d'Alger, les hommes dé l'ex-régiment de Bigeard, les préférés de la Ville blanche, ceux qui, après chaque opération, viennent y retrouver leurs petites amies, ne peuvent contenir cette foule qui avance, drapeau tricolore en tête, criant Algérie française. D'autant qu'aucun des colonels des trois régiments n'a jugé bon de renforcer le faible barrage humain par ses camions jaune sable et par les chevaux de frise qu'on avait si bien su employer en 1957 dans toute la ville. Et la foule avance, fraternelle, amicale. On se retrouve au contact des filles qu'on connaît et qui vont tout comme au 13 Mai jouer un grand rôle. Les organisateurs de la manifestation ne les ont pas négligées. Et le barrage disparaît, englué, noyé, embrassé, cajolé. On rigole. Et puis on ne va pas tirer sur des Français qui défendent les mêmes idées, qui veulent faire revenir de Gaulle sur une autodétermination inacceptable. Au nord et à l'est de la ville, la .même scène se renouvelle. Et, pacifiques, les cortèges parviennent sur le plateau des Glières.

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Manif du 24 janvier 1960